Je me trouve maintenant à la ferme d'un de mes frères, dans une maison faite de simples planches de bois avec un toit de planches métalliques au fin fond de la forêt amazonienne. C'est une ferme destinée à la production de lait de buffle.

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La maison au sein de son environnement n'a nullement l'air d'une maison pauvre. Nous créons beaucoup de concepts de pauvreté et de richesse de manière subjective. Là où n'arrivent pas les annonces publicitaires, les canons de beauté ne sont pas liés à la mode avec autant d'intensité et les critères de pauvreté et de richesse ne sont pas forcément les mêmes. Dans la maison où je me trouve, les chambres sont des espaces fermés comportant des murs. Le reste de la maison : cuisine et salle à manger n'ont pas de murs et donnent directement sur l'extérieur. Cela n'est nullement choquant avec une température ne descendant jamais en dessous de 20°C. Le chauffage n'est pas une nécessité des gens et se protéger contre les vols n'a jamais été nécessaire ici au fin fond de la campagne. Arriver jusqu'à là où je suis arrivé a été très aventureux. San José del Guaviare est la capitale du département "Guaviare". Dans cette ville arrivent bus et avion depuis Bogota. La première chose qui m'a impressionnée est l'intensité de la couleur verte de toute la végétation que ce soit de l'herbe, des arbustres ou des arbres. La nature est omniprésente. San José del Guaviare est une ville de 66 000 habitants. Il n'y a environ que la moitié des voies de circulation qui sont bétonnées. L'autre moitié sont des chemins de terre qui sont tout de même assez large et où il devient difficile de circuler la nuit surtout après les jours de pluies. On peut discerner dans ce cas là une pauvreté réellement objective car elle impact directement la vie matérielle de la population en rendant plus difficile leur déplacement. La majorité des gens circulent en moto.

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De San José del Guaviare, je suis allé à El Retorno. C'est une ville d'environ 20 000 habitants. J'y suis allé dans le coffre de la partie arrière d'une camionnette blanche. Cette camionnette ressemble à celle utilisées par les artisans commerçants en France pour y transporter leur matériel. Nous étions 8 personnes serrées à l'arrière. La vitesse de la camionnette variait environ de 5 à 60km/h selon la quantité de trous sur le chemin. Avec les quelques photos prises du paysage, les autres passagers ont vite découvert que je n'étais pas quelqu'un de local. Moi qui ne voulais pas être découvert, cela n'a pas duré. Cela me permet cependant à ce que ma curiosité ne paraisse pas ridicule. En discutant avec une passagère, elle m'apprend alors qu'il y a des gens ici de différentes origines. Ils sont aussi bien de Medellín, de la côte atlantique et d'autres endroits divers. Elle m'explique qu'il y a eu deux colonisations. Tout d'abord celle des espagnols et ensuite celle des Colombiens vennuent d'autres régions de Colombie. Je n'ai pas vraiment compris ce passage là. La deuxième colonisation est elle celle des paramilitaire ? Je n'en sais rien. Elle me dit aussi que pas mal d'habitants font l'allé retour entre San Juan Del Guaviare et El Retorno. Le temps de transport varie beaucoup selon si c'est un jour de pluie ou un jour sec en raison des conditions de glissades due à la boue sur les chemins. Pas mal d'étudiants et de professionnels qualifiés s'en vont vers San José del Guaviare et ensuite El Retorno manque de médecins, de professeurs, etc. La chose étonnante et très marquante était que dans cette camionnette perdu dans un chemin au milieu de nulle part les deux jeunes filles à ma gauche avaient des smartphones de dernier cri et était focalisées sur facebook en étant connecté dès que le réseau internet leur permettait. Sur ce point les discussions ne sont pas plus évoluées qu'en France. Ça parle de profil facebook, de photos, etc. En arrivant à El Retorno, l'atmosphère devient vraiment chaleureuse. Il n'y a pas de frontière réelle entre l'intérieur et l'extérieur des maisons. Beaucoup de gens se connaissent, s'interpellent et se saluent dans la rue. La musique s'entend a l'air libre.

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L'aspect positif de ces "villes très rurales" est qu'il n'y a pas de délinquance. On a donc pas besoin de faire constamment attention à ses affaires. Dans la ville d'El Retorno, mon frère, une amie et un autre ami de mon frère m'attendent. Je monte cette fois sur une moto pour aller à environ une heure d'El Retorno dans la ferme de mon frère qui est encore plus enfoui dans la forêt amazonienne. Là ça devient vraiment aventureux. Le chemin devient alors vraiment étroit, les trous, les bosses et la boue sont partout. Après environ une heure de moto et une chute heureusement sans gravité, j'arrive à la ferme. Un panneau photovoltaïque d'environ un mètre carré donne suffisamment d'électricité pour la lumière de la surface habitable de la ferme qui est d'environ 50 mètre carré. C'est cependant une maison sans frigidaire, celui-ci nécessitant une puissance d'injection que le panneau photovoltaïque ne peut pas fournir. Une citerne installée en hauteur arrive à emmagasiner 1000 mètres cube d'eau de pluie qui sert au lavabo et à la douche.

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Les gens boivent que des jus de fruits. Je n'ai en tous cas pas bu une goutte d'eau pendant mon séjour d'un jour et demi à la ferme. J'ai bu toute sorte de jus de fruits locaux : mangue, fruit de la passion, Lulo, etc. Le linge se lave à l'eau de pluie. La chaleur est telle que le linge lavé le matin est sec l'apres-midi. Étant allé faire un footing le matin, la chaleur et l'humidité sont étouffantes. Les locaux arrivent à réaliser des travaux physiques sans aucun problème sous cette chaleur qui peut atteindre certaine fois plus de 35 degrés. Après avoir parlé de choses et d'autres je me mets à poser des questions plus indiscrètes sur les thèmes internationaux pour lesquels la Colombie est principalement connue. San Juan Del Guaviare et El Retorno ont été pendant de longues années des villes sous contrôle de la FARC. Ici les gens à la campagne ont une meilleure image de la FARC que de l'état. Il persiste au même temps cette idée généralement admise que la FARC était à ses débuts bien plus juste et exemplaire qu'aujourd'hui. C'est à dire que si au début elle se battait pour un idéal de justice et d'égalité, avec le temps, certaines fractions de la FARC se sont mis à avoir un objectif plus lucratif. Cette évolution se retrouve dans le trafic de drogue qui a eu pour but principal dans un premier temps de financer la lutte armée et qui a pris petit à petit un objectif principalement lucratif. Certaines zones de la forêt amazonienne ont été dédiées à la plantation de la coca. Un argument généralement mentionné dans la région est celui de l'état des voie de transport. C'est à dire par exemple que le bénéfice que l'on peut faire avec plusieurs dizaines de kg de mangues est équivalent au bénéfice que l'on peut faire avec quelques kg de feuilles de coca. Vu le mauvais état des voies de transport il devient alors beaucoup plus simple de vendre de la coca. Un autre argument avancé est qu'il peut être assez difficile de vendre des fruits ou légumes car beaucoup d'aliments sont importés de l'étranger au lieu d'être achetés aux paysans locaux. Je me mets alors à penser que les différents traités de libre commerce entre la Colombie et les Etats Unis sont entrain de détruire les petits paysans colombiens qui n'ont pas la capacité de prendre part à une telle concurrence. Finalement le marché de la coca a du sortir de la pauvreté certains petits cultivateurs tout en rendant extrêmement riche ceux qui avaient le monopole du marché. Les gains financiers de la coca sont impressionnants. Pour un hectare de coca planté il faut investir environ 4 millions de pesos et celle ci peut rapporter en moyenne 0,5 millions de pesos par mois. À vrai dire, on récupère plus de l'investissement initial en moins d'un an. Pour éradiquer la culture de la coca, le processus de paix apporte des aides économique aux paysans en question. Un paysan mettant fin à son champ de coca peut obtenir jusqu'à 30 millions de pesos. Il obtient une première partie lorsqu'il éradique sa propre plantation. Il obtient une deuxième partie lorsqu'il substitue son ancienne plantation par une autre d'une culture différente. Le processus de substitution a déjà commencé et une grande partie des champs de coca ont été éradiqué. Seulement le processus de substitution prend de la lenteur en raison d'un manque de confiance de la part de l'état ou bien en raison d'un manque d'honnêteté de sa part. L'état ne remplit pas toujours ses promesses dans la transmission des aides économiques aux paysans. Une des solutions principales sur le long terme se trouverait plutôt dans l'abolition des traités de libre commerce permettant à l'agriculture locale de se développer que dans la transmission d'aides économique qui ne permettent pas forcément au paysans de se développer sur le long terme. Je rentre maintenant à Bogota où mon vélo m'attend pour partir vendredi matin.

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